‘‘Tous les défunts ne sont pas automatiquement des Ancêtres. Le processus du devenir Ancêtre commence ici-bas. (…) : Le défunt doit avoir eu une vie exemplaire (….) [et] ne doit pas avoir été un homme conflictuel (…) il doit avoir été un principe d’unité au sein de la communauté [ou] ne pas être décédé d’une mort violente (…) ! Combien des politiciens congolais méritent-ils – un jour – d’être appelés ”Ancêtres” par les générations futures ? L’integrité morale des hommes et des femmes est au coeur de l’existence et du maintien d’un Etat ! 1. La critique du paradigme dominant sur l’Etat
L’État moderne suppose un pouvoir exécutif, un pouvoir législatif, une organisation judiciaire et un appareil militaire et administratif : forces de police et administration.
Dans la perspective ci-dessus :
- L’État doit être administré par un gouvernement civil dont les gouvernants politiques sont élus et les gouvernants administratifs sont fonctionnaires de carrière, en consacrant ainsi une division sociale du travail entre ces deux types de personnel au sein de l’Etat.
- La structure administrative de l’État doit être la seule – directement ou par délégation- à faire respecter les lois à travers l’armée, la police et la justice. L’Etat doit être le seul - de manière effective – à s’emparer du monopole de la violence physique et symbolique dans l’Etat.
Or, que cela n’est pas si évident qu’en RDC, il existe un Etat et un système de gouvernement comme l’affiche la Constitution du 18 février 2006 ! Si ‘‘Etat’’ et ‘‘système de gouvernement’’ existent vraiment en RDC, ce n’est pas selon les canons de l’analyse du paradigme occidental dominant.
Un paradigme est un modèle de pensée formulée avec beaucoup des ‘‘a priori’’. Le paradigme est un monde conceptuel dans lequel les idées sont exclusivement conjuguées selon une structure particulière et bien déterminée. Dans les analyses imbibées du paradigme occidental actuellement dominant, l’on suppose que dans tous pays du monde – pays entendu comme territoire internationalement reconnu- il y existe un ETAT.
En fait, il s’agit ici d’aborder deux problèmes intimement lies aux des régimes politiques successifs en RDC – depuis 1960 :
- Le problème – des ”laboratoires politiques” ou des ”gouvernements parallèles” aux institutions officielles établies et
- Le problème de la quasi-inexistence de facto des services publics dignes d’un Etat moderne.
Ces deux problèmes semblent être des ‘‘hérésies doctrinales’’ à combattre ou des ‘‘déviations institutionnelles’’ à corriger par rapport au modèle dominant alors qu’en fait, il s’agit là de deux aspects politiques constitutifs de tout régime politique congolais ! Il s’agit donc d’aborder ces ‘‘hérésies doctrinales’’ ou des ‘‘déviations institutionnelles’’– autrement – ! Dans une approche différente pour comprendre la quintessence des régimes politiques successifs en RDC !
La famille congolaise comprenait en général des parents et des enfants, des adoptés et des ‘‘esclaves’’ domestiques mais le chef était considéré comme un Père pour tous. Le mariage était un vrai contrat matrimonial conférant un droit mutuel de vivre ensemble, de collaborer à la production, de procréer et d’éduquer les enfants entre époux – homme et femme . L’homosexualité était bannie.
Partout, les Africains d’alors croyaient tous en un Etre Suprême, croyance souvent assortie d’un culte aux ancêtres. Le statut de l’ancêtre mérite d’être précisé. L’Ancêtre était surtout un concept, une notion au fondement d’une communauté africaine. ‘L’Ancêtre constitue la clé de voûte de la conception africaine du monde’’[1]. L’Ancêtre ‘‘est (…) un homme, qui, à travers la mort conçue comme un rite de passage, est passé dans la vie de l’au-delà et en tant que tel a d’une part un contact direct avec Dieu et d’autre part, participe directement et de manière active à la vie de la famille et aux événements du village’’[2].
‘‘Tous les défunts ne sont pas automatiquement des Ancêtres. Le processus du devenir Ancêtre commence ici-bas. (…) : Le défunt doit avoir eu une vie exemplaire, avoir respecte les lois reçues des Ancêtres ; ‘‘il ne doit pas avoir été un homme conflictuel (…) il doit avoir été un principe d’unité au sein de la communauté, ne pas être décédé d’une mort violente et laisser une progéniture’’[3].
Mais, l’Ancêtre ‘‘comme modèle et précise que le modèle n’est pas quelqu’un à imiter aveuglement, mais il nous rend créatifs pour le futur’’[4]. ‘‘(…), la vie ne peut éclore et s’épanouir dans toutes ses dimensions multiples que lorsque les descendants demeurent fideles à leurs ascendants et maintiennent vivante leur mémoire’’[5].
L’activité économique différait considérablement de celle du monde occidental dela fin au XIXème siècle. On notait trois régimes spécifiques[6] :
- Régime de simple cueillette et de chasse ;
- Régime d’agriculture à la houe mais complétée par la chasse et la pèche ;
- Régime d’élevage de gros bétail dominant la vie sociale, politique et économique.
Le système socio-économique proto-congolais revêtait alors plusieurs formes mais partout la base matérielle était fortement dépendante de la nature. Les instruments de production étaient tous très rudimentaires : houes, machettes, bâtons, etc.
En général, le sol appartenait aux lignages dans les sociétés patriarcales, qu’il y ait eu ou non seigneurie, sultanat ou royaume. La propriété commune du sol était le fondement même de l’effort collectif dans une communauté villageoise.
Les populations africaines ne connaissaient pas la propriété privée et la terre cultivée en groupe ne se vendait pas. Elle n’avait pas de frontières exactes, le territoire d’une petite ethnie pouvant comprendre de près 5000 km². En général, la terre était largement abondante ! Si la terre appartenait à la collectivité, chaque habitant avait la libre disposition du sol qu’il mettait en valeur par son travail, mais le chef en restait le représentant et en assurait la répartition.
La production par le lignage était aussi une production pour les membres du lignage. L’organisation et la destination de la production faisait du système africain de production un vrai mode lignager de production. Ceci impliquait un ‘‘collectivisme’’ ouvert, un communautarisme certain. Il y avait entre personnes – se reconnaissant spontanément apparentées- une simple différence de statut à l’intérieur de la communauté. Cette différence ne pouvait pas se muer en inégalité ou en une hiérarchie économique mais plutôt en une opportunité de coopération entre les personnes.
Pour les échanges extérieurs, les proton-congolais utilisaient plusieurs moyens de paiement pour rémunérer les services rendus : fers, lances ou houes, chèvres ou vaches. Ils pratiquaient aussi le troc. On faisait du commerce par portage ou par pirogue.
Les communautés économiques villageoises étaient aussi de véritables communautés des vivants et des morts où la mémoire historique jouait un rôle idéologique et spirituel essentiel.
‘‘L’individu en tant que tel n’est pas la valeur absolue, mais c’est dans la communauté, lieu de vie par excellence, que sa vie individuelle reçoit tout son sens. Il sait que ce n’est pas sa vie a lui, mais la vie qui st don de Dieu par la médiation des Ancêtres, don fait à la communauté. A la communauté n’appartient pas seulement les vivants et les défunts (ceux qui vivent dans le village des Ancêtres), mais aussi ceux qui naîtront.
Et chacun des membres de la communauté est tenu à renforcer la force vitale au sein de la communauté à travers la transmission de la vie (progéniture), les actes de justice et de bonté. Toute injustice ou toute action mauvaise diminue la force vitale au sein de la communauté. ‘’ (…) le bien accompli par l’individu fait croître la communauté alors que le mal commis par un individu la détruit.’’[7]
Pour conjurer le mal à l’échelle communautaire, on avait eu recours à quelques institutions dont la palabre et les proverbes et les adages. L’initiation des jeunes commençait par leur assistance muette aux palabres et par l’instruction sous forme des proverbes et d’adages. C’étaient à la fois une accumulation des connaissances, une formation pratique et une éducation par la sagesse. La science non écrite se transmettait d’une génération à l’autre, les enfants assumant les habitudes léguées par leurs parents. Il existe des rites et des liturgies pour chaque type d’initiation.
Selon sa taille au cours de sa reproduction biologique et sociale, la famille u pouvait devenir un lignage, une tribu voire une ethnie.
- Lignage : ensemble des personnes descendants d’un même ancêtre – réel ou mythique- et appartenant- en principe – à la même lignée par filiation unilinéaire (paternelle ou maternelle).
- Tribu : groupe humain vivant sous l’autorité d’un même chef et souvent une division d’un ‘‘peuple’’ à la mode ancienne d’Afrique
- Ethnie : ensemble des personnes appartenant à un groupe partageant la langue et la culture et organisé en structures sociales et économiques particulières.
Si les gens issue de cette reproduction biologique ou sociale se constituaient en une population organisée en entité politique sur un territoire délimité par des frontières, et donc, avec d’un pouvoir institutionnalisé, l’on est autorisé – aujourd’hui- de parler d’Etat : Etat-Lignage, Etat-Tribu et Etat-Ethnie.
Dans tous les cas – en Afrique centrale, australe et orientale d’aujourd’hui – , il semble que les Etats précoloniaux aient été tous des Confédérations des Lignages où le service public était communautaire en ce sens que le pouvoir d’Etat (au nom des lignées ou des tribus ou encore des ethnies) – gérontocratique ou avec assistance politique de la gérontocratie.
C’est ce pouvoir gérontocratique qui déterminait le mode d’éducation et de socialisation des enfants, les objectifs et les processus matrimoniaux de reproduction de la communauté nationale, les tâches religieux de célébration de la nation, les démarches funéraires lors des décès, les mécanismes de transmission des secrets politiques, des rites publics et des connaissances particulières d’une génération à une autre, etc.
Avant la colonisation, le service public était donc souvent organisé dans le cadre d’une communauté politique restreinte, une lignée, une tribu ou une ethnie.
En l’absence d’une certaine évolution technologique notable, l’outil de production resta longtemps rudimentaire (houe, machette, bâtons …) en termes d’accès aux terres et aux ressources naturelles et le ‘‘communautarisme’’ fut érigée en la caractéristique essentielle des communautés politiques précoloniales.
Une communauté politique africaine précoloniales pouvait s’élargir à tous d’individus vivant sur un même et large sol et liés par un sentiment d’appartenance à une même collectivité, notamment culturelle ou linguistique.
Elle devenait une patrie bien déterminée, voire une nation si elle gardait longtemps une certaine unité politique et devenait – dans l’imaginaire des individus qui la composaient – une entité historique distincte et titulaire de la souveraineté de type royal. Et ce, malgré leur faiblesse technologique fondamentale. En général, les Etats africains précoloniaux organisées en nations restaient – fondamentalement – des Confédérations des lignages dont un d’entre d’eux détenait la souveraineté au nom des tous les lignages.
Le Souverain-Roi ou la Souveraine-Reine d’une confédération des lignages exerçait sont pouvoir politique en étant symboliquement propriétaire de tous les êtres vivants – hommes et femmes, animaux domestiques et sauvages- et de tous biens matériels – terre et instruments de travail -. Il (elle) devait gérer avec rigueur la confédération et ce, en bon père (mère) de famille. La bonne gouvernance était une obligation politique.
Pour la majeure partie de son existence, l’espèce humaine, nomade, vivait de cueillette et de chasse. Ce style de vie s’est modifié avec l’invention de l’agriculture. La pratique de l’agriculture a forcé les hommes à s’installer de façon permanente à certains endroits, près des zones qu’ils cultivaient. Ainsi, le contrôle de la terre est devenu un problème.
C’est ici que l’Afrique noire précoloniale divergea historiquement d’avec l’Occident comme l’indique le tableau ci-dessous.
Parcours africain de l’Etat |
Parcours européen de l’Etat |
Etat-lignage |
Proto-Etat |
Le contrôle collectif de la terre a accouché d’un système de propriété commune des espaces et des ressources au nom de la lignée. L’outil de production d’exploitation de la terre était rudimentaire. Par leur expérience acquise, des vieillards détenaient souvent le pouvoir de gestion dans ces communautés. D’où le terme de ‘‘gérontocratie’’ à applicable à la forme de gouvernement dans l’Etat primitif africain. | Le contrôle privative de la terre est devenu un problème duquel est née la propriété privée, et avec elle, les premières ‘‘guerres’’ sur les désaccords concernant la propriété des terres. Finalement, un petit groupe de gens a fini par contrôler les terres travaillées par de nombreuses personnes qui en dépendaient. Ainsi sont nés les premiers États primitifs. D’où le terme de « proto-État » applicable aux Etat trop primitifs, sans infrastructures ni lois. |
Etat-tribu |
Etat-Cité |
Les Etats-tribus ont été formés sur des espaces parfois démesurés en tant que différents groupes humains vivant chacun sous l’autorité d’un même chef et dont la parole faisait office de loi dès lors qu’il avait obtenu consensus des principaux chefs des lignages de la tribu. | Les cités-États de la Grèce antique ont été les premières à établir des États dont les pouvoirs étaient clairement définis par la loi. Les gouvernants des Cités étaient pour l’essentiel des « dieux-rois » et sources absolues des lois, en soi facilement modifiables. sans aucune limitation. |
Etat-Ethnie |
Etat-Féodal |
La reproduction élargie des tribus et les guerres entre elles pour le contrôle des terres a donné naissance à des Etats-Ethnies soit dans une logique d’unification linguistique et culturelle soit dans une logique d’alliance entre lignages mais se reconnaissant tous en un seul chef devenu roi ou empereur. La possession des vastes terres restait le critère de prestige de l’Etat-Ethnie | Beaucoup des cités-États ont été créées par la Rome antique selon la tradition de la Grèce mais à sa chute son empire, l’État est devenu l’expression d’une vaste possession de terre sous forme des royaumes et d’empires. Mais, ces derniers restaient avant tout de vastes possessions de terre que de véritables royaumes ou empires au sens moderne de l’Etat. |
Etat-Confédération des lignages |
Etat-Nation |
L’État africain continua de se développer selon une logique confédérale d’élargissement des terres et de prestige culturel et politique. Les caractéristiques principales de cette étape furent l’augmentation considérable des courtisans à une hiérarchie des chefs politiques locaux et des intrigues de leurs cours. Le processus de développement des Etats-Confédérations des lignages apporta avec lui des guerres civiles et des alliances politiques transcendant les différences de lignage ou tribu. | L’État européen continua de se développer en accumulant de plus en plus de richesses et en accentuant son prestige économique, mais aussi culturel et politique. Les caractéristiques majeures de cette étape furent l’émergence d’une bureaucratie et l’augmentation considérable du nombre des fonctionnaires. Le processus de développement des Etats-Nations apporta avec lui des contestations politiques internes et différentes idéologies appelant au dépassement du concept de nation. |
Ainsi donc, le service public peut s’organiser dans différents système politiques. Il reflète une idéologie spécifique à ce cadre.
Il est absolument faux de dire qu’il existait en Afrique des sociétés sans Etat. Ce qui n’existait pas, ce sont des Etats technologiquement développés au point de vue des instruments modernes de répression interne et externe pour assurer sa souveraineté, dans un environnement général qui n’en demandait pas tant !
Mais des populations organisées en entité politique des territoires délimités par des frontières et dotés des pouvoirs institutionnalisés, il en existait sur toute l’étendue du Continent africain. Ces entités étatiques pouvaient toute simplement être de nature tribale ou ethnique, voire pluriethnique mais tenue politiquement avec une gouvernance économique et sociale exercée par une, deux ou trois lignages héréditaires ou non mais toujours au nom de tous les lignages.
2. L’Etat congolais moderne
L’Etat congolais moderne d’aujourd’hui est né du fait colonial. Le nombre de communautés regroupées au sein de l’Etat Indépendant du Congo(EIC), ensuite devenu Congo belge en 1908 puis ‘‘République Démocratique du Congo’’ était assez considérable, environ 600 communautés nettement distinctes.
Ce sont ces communautés qui ont vu s’abattre sur elles la colonisation comme une calamité. La colonisation a été vécue au Congo comme une atroce brutalité[8], un amalgame des peuples différents au sein d’un Etat colonialiste unique et une soumission collective de ces peuples à une logique de productivité appliquée à l’exploitation de l’africain par l’européen, à une échelle d’essence et de mesure jusque là inconnues des Africains [9].Cette oppression a été vécue par le colonisé comme une exploitation du noir par le blanc, le Belge n’étant pas autrement identifié par l’imaginaire collectif des Africains.
Il s’agissait souvent des sociétés villageoises, formées d’un agglomérat de familles descendant d’un ancêtre commun, ancêtre masculin dans les sociétés patriarcales ou d’un ancêtre féminin dans les sociétés matriarcales, On notait de seigneuries, des sultanats et des royaumes. Cependant, il n’y jamais eu de ‘‘république’’ au sens occidental d’aujourd’hui !
Le tableau ci-dessous indique l’évolution d’Etat e RDC, cette fois en terme de la finalité lui assignée par le groupe dirigeant en différentes époques : époque coloniale, époque postcoloniale dictatoriale et époque postcoloniale récente en quête de démocratie et de croissance économique. Il compare les époques historiques de l’Etat congolais aux époques correspondantes de l’Occident actuel.
Parcours africain de l’Etat | Parcours européen de l’Etat |
Etat pluricommunautaire colonial | Etat-Providence d’Europe |
L’Etat était un territoire occupé par une nation étrangère – la Belgique - dont il dépendait sur le plan politique, économique et culturel. Beaucoup des Belges s’étaient installés au Congo pour le peupler et l’exploiter au nom d’une prétendue ‘‘mission civilisatrice’’ d’où était sortie une forme de paternalisme de mauvais aloi qui consistait à contrôler les noirs congolais en vue de les utiliser avec efficacité et au moindre coût à la mise en valeur économique de la colonie. Les différents peuples africains colonisés n’avaient de ciment entre eux que l’’oppression colonialiste qui s’exerçait contre eux. L’organisation du territoire et l’Administration étaient des instruments de la suprématie blanche sur Noirs, avec d’énormes inégalités sociales entre eux. | L’Etat était conçu comme une émanation de la providence divine qui devrait être gouvernée avec sagesse. Sa gouvernance devrait être rigoureuse au niveau du respect des lois. L’État-providence ne pouvait pas se définir seulement par les droits sociaux qu’il accordait aux citoyens ; il fallait aussi tenir compte de la manière dont les activités de l’État étaient coordonnées avec les rôles du marché et de la famille dans la prévoyance sociale. Il fallait également réduire les fractures les classes aisées et celles moins aisées sociales, , veiller à un équilibre entre la sphère publique et à la sphère privée des citoyens. Par-dessus tout, il fallait éviter que des hiérarchies sociales et les inégalités se créent à partir du marché en pratiquant une sorte d’économie sociale de marché). |
Etat pluricommunautaire, postcolonial et dictatorial | Etat conservateur et corporatiste |
Les différents peuples africains étaient devenus des ‘‘communautés ethniques’’ dans une nouvelle société pluricommunautaire unique sous contrôle d’un dictateur. Le leader politique était devenu un courtisan et attendait tout du déséquilibre des uns par rapport aux autres. Le ‘‘nationalisme’’ des dirigeants politiques ne fonctionnait pas comme un facteur d’intégration et de progrès des populations mais plutôt comme un support idéologique par des élites politiques qui ne voulaient plus se dessaisir du pouvoir d’Etat devenu leur instrument de jouissance éhontée des privilèges sociaux et de leur domination sur les masses. L’Etat ne fonctionnait jamais correctement car les collaborateurs de la dictature se laissaient actions désastreuses qui n’avaient d’autres causes que leur propre faiblesse. L’Etat était un champ clos des luttes ethniques fratricides, ouvertes ou souterraines. | L’Etat apparaît comme un système dans lequel les revenus des salariés sont partiellement maintenus en cas d’accident, de maladie, de chômage ou lorsque vient l’âge de la retraite suivant un modèle d’assurance sociale obligatoire généralisée adossé au travail salarié et ce, en vue de maintenir des hiérarchies anciennes menacées par le libéralisme, la démocratie et le capitalisme et ce, au nom valeurs familiales traditionnelles soit pour créer entre les classes riches et les classes ses laborieuses classe-tampon – loyale et asservie – des fonctionnaires ou agents d’entreprises de “condition plus élevé” soit pour renforcer la possibilité d’une indépendance individuelle en faisant rimer protection sociale et travail par une offre abondante des services sociaux aux populations et en créant une situation permanente de plein emploi de nature à minimiser les coûts de ces services sociaux. |
Etat pluricommunautaire, postcolonial et démocratique | Wefare State liberal |
Les localismes politiques et les tribalismes ne sont plus de techniques de protection des communautés ethniques mais des simples supports des leaders politiques pour accéder ou se maintenir au pouvoir d’Etat. D’une norme de civilisation africaine, la solidarité sociale de type lignager s’est transformée en une technique soit de sécurité sociale en contexte d’extrême précarité pour les populations appauvries soit de minimisation des coûts d’encadrement politique de ces populations par les leaders politiques. | L’Etat accorde un rôle principal aux mécanismes de marché et limite pour l’essentiel sa protection aux plus faibles. L’Etat fait tout pour limiter constitution des monopoles ou des oligopoles privées de nature à soutenir une concurrence entre entreprises privées et en établissant des lois de nature à assurer aux populations une large production des biens et leur distribution par des échanges à travers un réseau complexe des prix et de marchés. |
3. Le Service public en RDC
La RDC est pays géographiquement immense avec un degré élevé de diversité ethnique de sa population et une abondance de ressources naturelles. Mais, la population est aussi diversement repartie sur son étendue.
Il existe une équation politique et sociale de nature destructrice de l’économie et de la société globale dont les symptômes sont – entre – autres, les revenus modiques ou le chômage des populations, l’état calamiteux, sinon la quasi disparition des infrastructures physiques, économiques, sanitaires et socioculturelles et les conflits politiques, armés ou non.
Du fait de l’incurie administrative et politique ayant provoqué une faible mobilisation des ressources financières au niveau du Gouvernement, la construction des routes continue de constituer un casse-tête pour les responsables du budget au niveau tant national qu’au niveau provincial.
Et là où un semblant de service public existe, les ruptures, les interruptions, les disparités organisationnelles ou d’accès cial sont dans un tel état piteux – à la fois malheureux et ridicule – que les populations bénéficiaires sont finalement minimes.
Les indicateurs dénotent des complexités en termes d’une gouvernance difficile au niveau de l’Etat.[10].
Tableau des indicateurs de la situation sociale de la population congolaise en 2012
Indicateurs démographiques |
||
1 | Population, total des deux sexes (en milliers) |
69,575.4 |
2 | Population, total des deux sexes (en milliers) |
69,575.4 |
3 | Population urbaine (%) (en % de la population) |
34.8 |
4 | Population, femmes (en milliers) |
34,969.80 |
5 | Population, hommes (en milliers) |
34,605.59 |
Indices de Développement Humain (IDH) et de Pauvreté |
||
1 | Classement sur 186 pays |
186 |
2 | IDH (sur une échelle de 0 à 1) |
0.304 |
3 | IDH ajusté aux inégalités (sur une échelle de 0 à 1) |
0.183 |
4 | Population vivant sous le seuil de pauvreté sur 100 % des gens en RDC |
87.7 % |
Sources : Rapport 2012 du PNUD, consulté à l’internet le 27/04/2013
En RDC, des pans entiers du territoire national ont été depuis longtemps ignorés : ni écoles, ni hôpitaux, services municipaux d’état-civil dans 95% du territoire. Les services de fourniture d’’eau potable et du courant électrique sont inexistants dans plus de 90% du territoire national.
(1) Par rapport à la définition d’un service public
Un service public est une activité considérée comme devant être disponible pour tous. C’est une notion qui s’appuie sur celle de l’intérêt général. En tant que telle, elle est trop soumise à l’appréciation subjective et par conséquent, elle n’a pas de définition universellement reçue.
Notons que la notion de ‘‘service public ‘’ peut parfaitement se concevoir dans une organisation sociale non étatique ou hors de l’Etat et de ses administrations.
Certaines fonctions considérées comme relevant du service public de type étatique actuel – telles que la collecte et le recyclage des déchets – peuvent être assurés par la sphère sociale privée : organisations non gouvernementales, entreprises individuelles ou coopératives, associations communautaires, etc.
Les principes fondamentaux d’un service public sont :
- L’égalité d’accès : la fourniture d’un bien ou la réalisation d’une prestation dans le cadre d’un service public devrait être uniforme et se faire dans les mêmes conditions techniques ou de tarification pour tous.
- La continuité : le service public offert aux populations ne devrait pas souffrir d’aucune interruption ou d’aucune rupture dans le temps ni d’aucun hiatus organisationnel ou d’aucune séparation dans l’espace, en ‘‘endroits privilégiés’’ et ‘‘endroits oubliés’’.
- L’adaptation : le service public devrait répondre aux exigences particulières des usagers d’aujourd’hui et donc évoluer dans la perspective de ne point exclure quiconque cherche à bénéficier de ce service public et ce, en soutien prioritaire aux plus nécessiteux.
Lorsque le service public est organisé dans le cadre d’un Etat, il s’agit alors d’une une activité de prise en charge, directement ou indirectement, par le gouvernement au nom de l’intérêt général. On parle alors de secteur public qui comprend les administrations nationales et provinciales dans les ministères de l’État, les collectivités territoriales locales, les établissements publics et les entreprises publiques relevant du droit public.
Dans le secteur public, le service public serait une activité mise en place et fonctionnant sous la direction ou le contrôle des gouvernements et ce, dans le cadre de l’interdépendance sociale et/ou une perspective de développement.
L’une des contradictions majeures de la RDC, ce que le service public tend à s’organiser dans le secteur communautaire plutôt que dans le secteur public. Pire, le secteur public est dépouillé de ses prérogatives au profit du secteur communautaire. Il en découle trois maux caractéristiques du système politique congolais actuel :
- La corruption : les dirigeants politiques et administratifs de l’Etat manquent souvent à leurs devoirs en se faisant soudoyer. Ceci altère toute politique publique au point de la pervertir foncièrement entraînant une certaine décomposition des services étatiques chargés de mener cette politique publique. Il s’en suit un large avilissement des concepts relatifs à cette politique dans l’opinion publique.
- Le clientélisme : les dirigeants politiques sont prompts à rejoindre n’importe quel cercle politique afin d’y élargir leurs aises matérielles. Ils ainsi capables de relayer – sans conviction profonde - les discours démagogiques d’un autre dirigeant censé plus puissant, l’essentiel étant de rester sous sa protection et de rester à son service personnel de propagande.
- L’impunité : toute mise en accusation, tout châtiment, tout blâme, toute correction sont exclus dans le cadre du cercle de la clientèle politique. C’est en cela que réside la protection, avec comme conséquence une capacité de nuisance sociale sans égale que la protection des dirigeants au plus homme sommet de l’Etat. Abus des biens sociaux, délits d’initié, rapine, détournements des fonds publics sont permis … les fideles tant travaillent dans le cercle de la clientèle.
En RDC, les principes d’égalité d’accès, de continuité d’adaptation du service public sont difficiles à appliquer dans le secteur public.
(2) Par rapport au service public au cœur de l’existence d’un Etat
Il y a de considérer l’Etat du point de vue utilitaire, non pas pour les dirigeants des Etats ou de leur critique mais plutôt du point de vue des populations bénéficiaires de son institution sur un territoire déterminé.
Dans la perspective ci-dessus, l’Etat apparaît alors comme l’expression de la solidarité sociale lorsque les hommes, regroupés en sociétés, sont devenus de plus en plus interdépendants. Cette interdépendance est ainsi accompagnée de la création de normes, et pour faire respecter ces normes, des dirigeants en émergent. Dans cette perspective, les dirigeants ne restent dirigeants qu’aussi longtemps qu’ils continuent à se dévouer à la société et à l’organisation de la solidarité sociale au moyen du service public.
L’État n’est donc qu’une coquille vide, il n’a pas de personnalité ; il ne peut disposer de droits subjectifs et ne saurait être en mesure d’imposer quoi que ce soit à qui que ce soit. Tout dépend de ce que l’on entend par ‘‘ service public’’[11] !
Si les services publics sont délivrés de manière pérenne à l’intérieur d’un espace géographique délimité par des frontières territoriales au sein desquelles des lois s’appliquent, des institutions gèrent ces services publics et donc exercent autorité et pouvoir, l’on est bien et bien en présence d’un Etat, qu’il soit ou non reconnu par les autres Etats.
L’État est donc une institution d’institutions en interaction permanente dont chacune a une culture distincte, c’est-à-dire un univers de sens et de pratiques différents. L’État n’est donc pas un, ni unifié. Il est un espace où se développent et où coexistent des cultures et des logiques institutionnelles quelquefois différentes. C’est pourquoi l’État est souvent perçu comme une entité politique constituée d’un territoire délimité par des frontières, d’une population et d’un pouvoir institutionnalisé.
L’Etat provient du reste du mot latin status rei publicae qui signifie « forme de gouvernement » pour désigner une forme d’organisation du politique qui s’est développée à partir de la Renaissance[12].Le mot devint stato dans le sens d’‘‘unité politique d’un peuple qui le double et peut survivre aux allées et venues non seulement des gouvernements mais aussi des formes de gouvernement’’[13].
En RDC, l’ordre communautaire semble être le lieu privilégié de la formation de ces cercles de la clientèle et donc du gouvernement, surtout celui parallèle aux organes officiels de l’Etat.
Le cercle de la clientèle obéit facilement à la fermeture politique et au culte du secret d’autant plus que l’on prétend défendre sa communauté en face d’autres communautés jugées concurrentes dans la prédation de l’Etat. Ce modèle fonctionne à la condition d’avoir un bouc-émissaire dans le chef d’une autre communauté ! Seuls les déracinés tribaux comme les métis de sang ou de culture et les citadins mal intégrés dans leurs ethnies ont tendance à mettre sur pieds des cercles similaires mais sur une base maffieuse pour politiquement tenir !
Aussi, le défi de la modernisation politique consiste-t-il à organiser le service public dans le secteur institutionnel pluricommunautaire et étatique en liquidant le service public aujourd’hui fragmenté au sein des secteurs communautaires, diffus et plus ou moins institutionnalisés et largement prédateurs sur le secteur étatique.
Au-delà de la démagogie ambiante sous le vocale de la ‘‘révolution de la modernité’’, la modernisation politique n’est pas la démarche principale de Joseph Kabila. Il ne gouverne pas en RDC ; il se contente d’y tenir les choses en place. Pour lui, toute politique consiste à maintenir le statut quo et à consentir le moins de reformes possibles et ainsi régner sur un Etat immense au cœur de l’Afrique mais d’une Afrique rétive au développement économique et social.
La RDC est comme une pâte de farine de manioc dite ‘‘fufu’’ en jargon kinois; elle ne peut pas exploser d’elle-même. On peut – sans doute la couper comme un vulgaire ‘‘fufu’’ à la manière africaine mais sa stabilité politique de pâte de manioc n’autorise pas de croire à une quelconque explosion interne ou une balkanisation de l’intérieur.
Les leaders politiques congolais luttent pour le pouvoir d’Etat par ordres communautaires interposés mais en même temps, ils cherchent à s’allier pour jouir des privilèges sociaux inhérents à l’exercice de ce pouvoir.
L’Etat peut ainsi disparaître sur 90% du territoire congolais en termes d’évanescence des pouvoirs publics ou d’autorité d’Etat sur terrain, la RDC resterait unie par la magie des alliances des ordres communautaires sous la dominance d’un d’entre eux comme ordre princier de la république. Et Joseph Kabila de régner tranquillement sur une société labile. Tristement. Il faut – aujourd’hui – réagir positivement, sinon, c’est la décomposition continue pour des générations.
Les fonctions reconnues aujourd’hui à l’Etat moderne peuvent se réduire en taches essentielles : le maintien ou de promotion de l’unité politique d’un pays et ou l‘allocation des ressources.
Le tableau ci-dessous indique les points de vue de deux auteurs sur les fonctions de l’Etat moderne :
Pierre Rosanvallon[1] |
Richard Musgrave[2] |
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Maintien de l’unité politique |
|
La distribution ou “répartition” qui a pour but d’influer sur les inégalités. |
Allocation des ressources |
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L’allocation des ressources ou “affectation” qui concerne notamment la prise en charge des biens collectifs. |
[1]Pierre Rosanvallon est un historien de la démocratie- principalement du modèle politique français, C’est un intellectuel français dont les travaux portent surtout sur le rôle de l’Etat et la question de la justice sociale dans les sociétés contemporaines. Internet, consulté le 6 mai 2013. www.wikipedia.org [2] Richard Musgrave (1910-2007) était un économiste américain d’origine allemande, spécialiste en économie publique. Il est célèbre pour avoir appliqué le raisonnement microéconomique à la compréhension du fonctionnement de l’État. Il transforma durablement la matière des Finances publiques aux États-Unis en publiant en 1959 le résultat de vingt ans d’études : The Theory of Public Finance. Internet, consulté le 6 mai 2013. www.wikipedia.org
La régulation ou “stabilisation” qui doit tenter de stimuler l’activité économique, le marché ne menant pas à une situation optimale.
Les fonctions ci-dessus sont de nature idéologique dans le sens où elles sont souvent une production d’idées de nature politique et sociale par une classe dominante pour asseoir sa suprématie économique sur la classe dominée et issue d’un système d’idées constituant un corps de doctrine philosophique et conditionnant le comportement individuel et collectif.
L’État est l’émanation de la société et des rapports de domination entre les hommes de cette société. Dans ce sens, l’Etat peut apparaître aux yeux des populations de plusieurs manières : l’Etat peut personnifier une domination extérieure, une colonie, une patrie, une nation, un lignage, une communauté, une ethnie, une tribu, etc. L’Etat n’est donc jamais la conséquence d’une quelconque souveraineté de l’État ou d’un ordre juridique préexistant.
En fonction des idéologies de dirigeants politiques de l’Etat il y a souvent des intérêts divergents entre les parties constituant l’État, jusqu’au sein de sa bureaucratie. Il est difficile d’identifier les frontières de l’État qui fluctuent également au gré des privatisations, des nationalisations et de la création de nouveaux organes. Ces frontières de l’État ne sont pas fixes mais constamment en mouvement, d’autre part, l’État n’est pas seulement un lieu de conflits entre différentes organisations, il est aussi un lieu de conflits à l’intérieur des organisations.
En RDC, – au sommet de l’Etat, – l’on ne peut jamais fonctionner comme régime politique sans l’apport des autres personnes issues des autres ordres communautaires. C’est pourquoi, l’on institue souvent un gouvernement parallèle par rapport aux organes officiels et dont la tâche essentielle est de maintenir le statu quo en limitant les agissements politiques de changement potentiel par rapport à l’ordre établi !
Le gouvernement parallèle agit comme un ordre princier dans une république et – de préférence – dans une logique de conservation de la domination politique d’une communaute ethnique sur les autres ! Tout ordre princier cherche à se survivre, humainement au délà de son existence. . Telle est l’explication de ses massifs recrutements – politiques, administratifs et militaires – sur une base ethnique malgré un discours idéologique de changement des regimes sucessifs en RDC.
En RDC, -pour tout régime politique établi-, le risque d’ouverture de l’ordre princier vers une certaine pluralité ethnique – un ordre pluricommunautaire - est grand dans le sens où cela peut occasionner des contestations internes des principes et provoquer un changement de leadership politique.
Mêmes ceux-là qui commencent avec un ordre pluricommunautaire dirigeant, la tendance est à la fermeture politique et non à une large ouverture ! Les Congolais garderont longtemps en mémoire la dérive ethniste et régionaliste des Chefs d’Etat de laquelle ont dérivé des guerres civiles et dont les effets se font encore sentir jusqu’à ce jour en RDC.
Les dirigeants politiques refusent souvent de sortir d’une logique conservatrice héritée de leurs prédécesseurs et des lignées idelogiques antérieures. L’on a toujours entretenu des relations avec les membres des autres ethnies ou des anciens adversaires politiques à la condition expresse que ces derniers respectassent l’ordre princiernouveau.
C’est pourquoi les approches juridiques de l’Etat sont inopérantes en RDC pour situer correctement les problèmes de sa gouvernance.
Pour la théorie de l’‘‘État de puissance’’[16], l’État incarne l’intérêt général et est caractérisé par sa souveraineté interne et externe et constitue et un Léviathan dont la fonction est de maintenir l’ordre dans la société dont il assure la direction.
En tant Puissance, l’État a d’un certain nombre de prérogatives qui émanent de sa souveraineté dont celle de créer le droit et de prendre des actes administratifs unilatéraux qui s’imposent aux individus sans leur consentement. Pour ce faire, l’État devrait disposer de la personnalité morale, il est une personne au même titre que le citoyen.
En RDC, les dispositions pertinentes de la Constitution déterminent la sphère d’action exclusive du pouvoir central et des provinces ainsi que la zone concurrente entre les deux échelons du pouvoir d’Etat. La Constitution du 18 février 2006 stipule notamment en son article 9 que ‘‘L’Etat exerce une souveraineté permanente notamment sur le sol, le sous-sol, les eaux et les forêts, sur les espaces aérien, fluvial, lacustre et maritime congolais ainsi que sur la mer territoriale congolaise et sur le plateau continental.’’
Mais en réalité, les pillages des ressources par les Congolais – en alliance ou non avec les étrangers – pour un enrichissement sans cause sont multiples et variés. Il s’agit souvent des individus agissant dans l’Etat avec l’approbation implicite ou en accord avec les membres de leurs communautés ethniques.
Pour la théorie de l’État de droit[17], ce n’est pas l’État qui produit le droit, mais l’ordre juridique (c’est-à-dire la hiérarchie des normes) qui produit l’État. L’État ne serait alors que l’émanation du droit qui limiterait sa puissance d’arbitraire. Dans cette perspective, l’État n’est plus défini comme dans la théorie de l’État de Puissance par sa souveraineté, mais par son identification à un ordre juridique et sa soumission au droit.
Pour assurer la pérennité du droit, il faut que la hiérarchie des normes juridiques soit garantie et qu’il existe un contrôle juridictionnel pour faire respecter cette hiérarchie des normes de façon à forcer l’État à respecter le droit.
Par article 5, la Constitution congolaise du 18 février 2006 stipule que ‘‘La souveraineté nationale appartient au peuple. Tout pouvoir émane du peuple qui l’exerce directement par voie de référendum ou d’élections et indirectement par ses représentants. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. La loi fixe les conditions d’organisation des élections et du référendum.’’ Et pourtant, tout le monde sait qu’il existe un gouvernement parallèle auquel les dirigeants politiques et administratifs officiels font allégeance pour obtenir se maintenir dans leurs postes.
A chaque société correspond une idéologie politique dominante et des processus politiques particuliers de leadership.
Persuadés de leur impuissance, beaucoup pensent qu’il suffit d’être téléguidé par des intérêts étrangers pour modeler l’histoire. Os fait toujours la même : on anticipe les intérêts étrangers d’acquisition quasi gratuites des ressources nationales en contre partie un appui diplomatique dans les batailles politiques internes entre Congolais. D’autres pour s’accrocher ou pour y accéder aux privilèges du pouvoir en place, ils n’hésitent pas à flatter les passions ethno-tribales ; ils excitent des cupidités ; ils entretiennent ainsi des discordes au sein du peuple congolais.
Cette mentalité travaille objectivement aux bénéfices politiques, économiques et socioculturels des individus sans foi ni loi et ce, à tous les niveaux de la société. C’est ainsi qu’il y a trop d’orages et de guerres qui broient des individus sans défense veritable.
4. Critique du paradigme dominant par l’opposition interne à la société établie
Les ordres communautaires peuvent être considérés comme les vrais acteurs de la société civile. Ils s’insinuent dans les organisations syndicales, dans les partis politiques, les organisations non gouvernementales et dans les églises de réveil, voire les grandes églises établies. Les positions de ces organisations formelles de la société civile à l’égard du gouvernement traduisent souvent – et officiellement – les prises de position des ordres communautaires.
Chaque ordre communautaire tend à avoir des organisations correspondantes dans la société civile officielle.
Plusieurs conceptions de l‘Etat sont fondées sur les relations entre l’Etat et la société civile. Tantôt l’État moderne est conçu comme étant distinct de la société civile, tantôt l’État moderne est l’expression même des rapports au sein de la société civile.
Pour les marxistes, l’Etat n’est qu’un instrument de domination d’une classe sur une autre. Mais, en RDC, il y a lieu de passer par un autre détour pour que la conception marxiste soit acceptable dans l’analyse de sa situation politique.
Pour Jürgen Habermas[18], la société civile forme une sphère publique, lieu d’engagements extra-institutionnels autonome de l’État et en interaction avec lui. Mais pour Antonio Gramsci[19], l’État est plutôt intégré de nombreuses façons dans la société civile.
Les deux affirmations sont vraies et non contradictoire dans le cas de la société pluricommunautaire congolaise mais il faut aborder la question au-delà des organisations formelles telles que les ONGs, les Eglises, les partis politiques ou les syndicats.
Au sommet du pouvoir gouvernemental – au sens large de la direction politique et administrative de l’Etat – les ordres communautaires en alliance – investissent l’Etat au point c’est cette alliance qui devient classe dirigeante et utilise l’État comme un instrument de domination de la société.
Les alliés constitutifs de la classe politique dirigeante usent de leurs liens personnels avec les hauts fonctionnaires et les opérateurs économiques pour se faire des bases matérielles par enrichissement sans cause. Et c’est par cette osmose sociale que les autres ordres communautaires sont finalement intégrés et deviennent partie prenante d’un même ‘‘appareil idéologique de l’État’’.
Pour Ralph Miliband[20], l’État est dominé par une élite qui a la même origine que la classe capitaliste. En RDC, il ne s’agit pas d’une classe politique réelle mais virtuelle puisque l’on a affaire à un groupe politique constitué en classe dirigeante dans le cadre d’une accumulation primitive des richesses. Les conflits éventuels sont de nature économique surtout quand la base économique de l’Etat devient de plus en plus restreinte !
Contrairement aux Etats capitalistes qui se structurent pour garantir les intérêts à long terme des capitalistes comme l’affirme Nicos Poulantzas[21], l’ ‘‘Etat-confédération des ordres communautaires’’ de la RDC travaille inconsciemment pour les intérêts à court terme de sa classe dirigeante.
Et pour cause ? La classe politique dirigeante de la RDC n’est pas là au service d’une quelconque classe productive. Elle est une simple classe capitaliste est virtuelle ! Les classes laborieuses – elles- sont sans conscience de classe du fait de l’appartenance de leurs membres à différents ordres communautaires.
L‘‘Etat-confédération des ordres communautaires’’ de la RDC actuelle est différent l’ancien et précolonial ‘‘Etat-confédération des lignages’’.
Aujourd’hui, le jeu ‘‘politique’’ congolais est directement réductible aux questions économiques personnelles alors que jadis ce jeu politique était – avant tout – un jeu responsable de stratégies et de tactiques en vue de maintenir la cohésion de la société globale.
L’approche marxiste des années 1960-1970 faisait- en fait – écho à une autre analyse d’approche pluraliste dont l’audience était large aux États-Unis d’Amérique durant la même époque.
Pour Robert Dahl[22], la politique est un produit d’un constant marchandage entre groupes qui ont tous un moyen de pression sur l’État. L’Etat serait une arène neutre pour des intérêts en conflits qui se manifestent en ses différents ministères, agences ou départements.
Cette approche américaine pluraliste serait proche de la réalité sociopolitique congolaise, exceptée qu’elle ne mettrait pas en exergue la tendance à la lente décomposition de l’Etat, décomposition liée aux objectifs égoïstes et de courte vue de la classe dirigeante congolaise.
La direction politique congolaise constituerait une polyarchie[23] où le pouvoir politique serait partagé entre différents ordres communautaires dominants qui n’ont ni richesse, ni compétence ni prestige comme ressources de gouvernance.
Les tenants de l’approche institutionnaliste mettent – eux- l‘accent sur la nécessité d’interposer la société civile entre l’État et l’économie, en postulant que les comportements des individus sont fondamentalement modelés par les institutions et que l’État n’est ni une arène ni un instrument de domination de classe puisque ne fonctionnant pas dans l’intérêt d’une seule classe.
En RDC, cette affirmation serait véridique mais à condition d’ignorer le mode de formation et de fonctionnement de la classe dirigeante en place, classe fondée sur une alliance fondamentale de deux ou trois ordres communautaires.
Pour les autres ordres communautaires, ce serait – en effet- une masse des organisations de la société civile interposée entre l’Etat et l’Economie, … par nécessité de survie. C’est par rapport à cette masse engluée dans la lutte pour la survie que l’Etat jouirait d’une certaine l’autonomie de l’État comme le prétend l’approche institutionnaliste.
Par démagogie, les courtisans du pouvoir actuel claironnent sur la base d’un mirage de modernisation économique des infrastructures et de stabilité politique durable pour s’imposer à la société civile avec l’aide d’un ‘’bloc hégémonique’’[24] de type mensonger.
En cas de nécessité, ils n’hésitent jamais – comme le dirait Theda Skocpol[25] – d’user des moyens de coercition, des fonctionnaires et des groupes de la société civile qui sont dépendant du régime politique en place. Le régime de Joseph Mobutu avait fait de la non-satisfaction des besoins vitaux des gens – et donc de la privation – un outil politique de sa suprématie sur les masses en étant lui-même l’ ‘‘autonomie de l’Etat’’ par rapport à la société civile.
Aujourd’hui, le pouvoir en place a plutôt repris la même logique mobutiste en s’appuyant sur une pauvreté aigue des masses pour prétendre à certaine stabilité politique dans d’un Etat, distinct de la société civile. La pauvreté extrême a brisé la volonté des individus et surtout celle des élites intellectuelles. Il suffit désormais de considérer la pauvreté comme un mal banal pour régner sur des populations meurtries depuis 50 ans ! En banalisant le mal, le pouvoir en place agit – aujourd’hui – contre son propre peuple comme le faisait les nazis qui obtenaient l’allégeance de leurs victimes juives du fait que la volonté de ces dernières était déjà – globalement et préalablement - cassée pour lutter en faveur de la vie normale.
Mais tout comme les juifs qui ne faisaient guère d’illusion sur leur sort durant de la seconde guerre mondiale, – aujourd’hui en RDC- personne ne croit à la ‘‘révolution de la modernité’’ de Joseph Kabila Kabange. la décomposition sociale est si avancée que la démagogie ne fonctionne pas comme ‘’magie d’État ‘’, selon le mot de Pierre Bourdieu[26]. Elle n’est plus une violence symbolique exerçable sur les citoyens congolais.
4. L’équation idéologique du système politique en RDC
La Gouvernance est ici conçue comme une gestion menée avec rigueur dans une société régie par des lois qui institue un ‘‘ordre social’’ en tant organisation établie dans un arrangement méthodique des choses et fonctionnant régulièrement avec discipline.
La gouvernance est ici opposée à l’incurie,c’est-à-direà undéfaut de soin et une négligence impliquant une certaine tolérance dans le sens de l’impunité. Elle est implicitement associée à la notion de ‘‘souveraineté’’.
La souveraineté est le droit exclusif d’exercer l’autorité politique dans pays ; elle est assortie d’une certaine déification du peuple en tant source de la loi et du pouvoir. Elle a en fait remplacée la prétention de la royauté absolue des anciennes époques à reposer sur un ‘‘droit divin’’ qui avait façonné la souveraineté séculière à l’image d’un dieu à la fois tout-puissant et législateur de l’univers, c’est-à-dire à l’image du dieu dont la Volonté est loi.
Le passage de la de la royauté absolue à la république ou à la monarchie constitutionnelle dans beaucoup de pays s’est fait au nom d’une certaine gouvernance d’un“juste Etat” (…)capable de s’acquitter de ses fonctions essentielles (telles l’accès à la santé, à l’éducation, à la justice et à l’administration), de promouvoir et de protéger les droits de la personne et les libertés fondamentales, ainsi que de gérer les richesses de manière responsable et impartiale afin d’assurer leur redistribution équitable“[27].
Jusqu’aujourd’hui, le système politique congolais n’a survécu qu’au au prix d’une pathologie institutionnelle majeure : le totalitarisme
Pour s’y maintenir durablement le chef de l’Etat doit apparaître comme un chef totalitaire mais généreux : il doit activer l’illusion d’optique de proche prospérité généralisée des Congolais ou le mirage d’enrichissement prochain pour tous.
Le chef de l’Etat doit attacher une importance capitale à une certaine incantation sur le mode démagogique quotidien en se présentant comme une sorte de ‘‘ Père de la Nation’’ ou un ‘‘ Guide éclairé’’, un ‘‘Timonier’’, un ‘‘ Génie exceptionnel’’, un ‘‘Héros’’ vivant ou un ‘‘Sauveur venus des cieux’’.
Les slogans tels que ‘‘Je reviens avec le Portefeuille’’ ‘de Moïse Tshombe, ‘‘L’objectif 80’’ ou ‘‘Plus Rien ne sera comme Avant’’ de Joseph Mobutu, le ‘‘Congo, c’est du miel’’ de Laurent Kabila ou la ‘‘Révolution de la modernité’’ se situent dans la droite ligne des régimes surannés tels le régime roumain de Ceausescu ou le régime rwandais de Habyarimana.
Le totalitarisme politique peut se décliner soit en un système de gouvernement où le pouvoir aux mains des quelques privilégiés (oligarchie) ou en un système de pouvoir absolu et arbitraire détenu par un seul chef (dictature).
Le régime présidentialiste est celui marqué par la fusion des pouvoirs législatifs et exécutifs, dans les mains du Président de la République. Il devient purement un pouvoir dictatorial lorsque le pouvoir judiciaire est ajouté aux attributions de ce Président de la République.
Il peut aussi se présenter sous la forme d’un régime présidentialiste d’apparence démocratique tout en contenant fortement la fameuse la pathologie institutionnelle. Il suffit alors de bloquer les relations d’alliance possible et de coopération potentielle entre les leaders politiques et entretenir – à travers ces derniers - une compétition – de manière souterraine – entre ordres communautaires, tout en donnant une illusion – à la surface – que l’on est attaché à la paix profonde.
Aujourd’hui, il suffit de miner davantage la société de l’intérieur et ainsi s’installer durablement au pouvoir d’Etat, sans gouvernance aucune ni vision politique digne de ce nom. C’est ici que le régime actuel de ‘‘gouvernement parallèle’’ est assimilable à la dictature.
Le ‘‘gouvernement parallèle’’ a trois fonctions essentielles:
- L’usage des services de sécurité dans l’espionnage mutuel des leaders politiques. La police politique n’a pas disparue en RDC.
- La mobilité sociale de bas vers le haut des personnes de qualité moralement douteuse pour en faire des leaders politiques conservateurs au détriment des gens éduqués. La classe politique pullule aujourd’hui de véritables voyous politiques.
- La liquidation des discours universalistes en vue de reproduire les mêmes mécanismes de socialisation typiquement sectaire. La réflexion millénariste – fondement de la pensée libre - tend à disparaître pour ne vivre que les instants fugitifs du présent.
Dans une société minée par des conflits entre plusieurs “ordres communautaires“ en compétition, la démocratie tend de plus en plus à disparaître et avec elle la société organisée. Aujourd’hui en RDC, la Gouvernance est devenue une chimère, car l’organisation de la société n’est plus une exigence collective. La politique sectaire des “ordres communautaires“ est devenue un cancer dans la société globale.
Dans ce cas, l’exercice de la liberté individuelle peut déboucher sur le meilleur comme sur le pire :
- Les libertés publiques peuvent diminuer car les conflits identitaires tendent à restreindre ces libertés publiques en tant droits fondamentaux individuels ou collectifs proclamées ou reconnus aux personnes ou aux groupes face a l’Etat.
- L’intégrisme peut se développer en tant qu’attitude et disposition d’esprit de certains croyants qui, au nom d’un respect intransigeant de la tradition, se refusent à toute évolution.
- La sécurité peut être illusoire si elle est envisagée comme une situation dans laquelle la personne est exposée au danger, au risque d’agression physique, d’accident, de vol, de détérioration.
Dans une société pluricommunautaire et multiculturelle, le risque politique du régime semi-présidentiel est celui de voir la liberté individuelle dégénérer en un régime politique liberticide.
Par respect institutionnalisé des ordres communautaires, la société porte en elle une atteinte douce aux libertés du fait d’un comportement licencieux c-est-a-dire contraire à la pudeur, à la décence et par lequel les individus tiennent des propos extrêmement libre au regard de leurs mœurs personnelles et de leur propre dérèglement moral.
Une cohabitation conflictuelle des principaux leaders politiques au sommet de l’Etat peut immédiatement rétrograder vers une forme des conflits identitaires et déboucher sur des émeutes ou sur une guerre civile
3. Défendre la vie des générations futures
Louis Michel affirme que la gouvernance, ‘‘c’est d’abord et avant tout le “juste Etat“. Un Etat capable de s’acquitter de ses fonctions essentielles (telles l’accès à la santé, à l’éducation, à la justice et à l’administration), de promouvoir et de protéger les droits de la personne et les libertés fondamentales, ainsi que de gérer les richesses de manière responsable et impartiale afin d’assurer leur redistribution équitable“[28].
La définition de Louis Michel de la gouvernance suppose – implicitement – que l’on est en face d’une société africaine culturellement homogène au plan national c’est- à -dire des Etats-nations à la manière occidentale. Or, la plupart des Etats du monde sont traversés par des conflits communautaires de type ethnique, de type religieux ou de type racial. Ces conflits communautaires peuvent être aigus ou latents.
Lorsque les communautés internes aux Etats deviennent les bases électorales et apparaissent comme des critères politiques d’accès au leadership ou de gestion de l’Etat, elles deviennent des “ordres communautaires” en opposition de conscience à l’”ordre national” en gestation. Et, il est souvent difficile de gérer la collectivité nationale en vertu du principe qu’on ne peut servir deux maîtres à la fois, … du moins avec la même intensité.
L’appel pressant des Congolais pour un leadership transformationnel indique qu’aujourd’hui, il existe une nouvelle conscience historique, celle de l’appartenance à une nation pluricommunautaire qui devrait défendre- collectivement et individuellement -la vie actuelle et celle des générations futures. Dans le régime de Joseph Kabila Kabange, la notion de souveraineté interne et externe relève souvent de la pure démagogie.
Le Congo a besoin d’un leadership transformationnel où le leader apparaît comme un individu doté d’une visibilité politique et susceptible d’être cité en exemple de courage pour le peuple congolais en entier, une personne dont la démarche politique est fondée sur le sens de la responsabilité et de la production effective des résultats et misant sur des pensées et non sur des critères de rang social, des privilèges, de titre ou d’argent et un homme ou une femme susceptible d’être suivi du fait de sa capacité à produire un discours structuré et suscitant une quelconque utopie constructive pour les populations.
Le pouvoir se confond souvent à l’autorité. Dans notre cadre, il s’agit d’une autorité constituée en gouvernement pour accomplir une action politique et produire un effet de progrès économique et social en faveur des populations.
Il faut ici distinguer deux notions essentielles :
- Système politique (ou de gouvernement) : ensemble des coutumes politiques et des procédés aux résultats préétablis au sein d’un pays ou un Etat donné.
- Régime politique : ensemble des dirigeants et des pratiques sociales effectives (procédés sous forme des règlements et des usages) d’un système politique ou de gouvernement.
Pour un même système de gouvernement, on peut avoir plusieurs doctrines et/ou méthodes pour arriver plus ou moins aux résultats préétablis par les coutumes politiques du pays ou de l’Etat.
Les acteurs politiques cherchent constamment à moderniser les coutumes politiques (réformateurs) ou luttent pour en conserver au maximum possible (conservateurs). Dans un système démocratique, il y a souvent alternance périodique des réformateurs et des conservateurs au pouvoir d’Etat.
En RDC, le changement nécessaire est celui du système politique lui-même, bien au-delà du régime actuellement établi. Le changement doit être radical ; sinon, on l’on assistera à une série des reformes qui ne reforment point. Au grand dam des Congolais.
Pour la RDC, la modernisation politique consisterait au passage effectif du type politique actuel d’oligarchie exercée par gouvernement parallèle et occulte générant de facto un pouvoir présidentialiste proche des dictatures surannées de Joseph Mobutu et de Laurent Kabila à un système politique de vraie démocratie représentative de gouvernance collégiale.
Il s’agit aussi de passer de l’organisation territoriale pseudo-décentralisée avec l’Administration publique unique et toujours centralisée à Kinshasa vers une organisation vraiment décentralisée du territoire national, avec des gouvernements locaux ayant des administrations publiques locales distinctes de l’Administration publique centrale.
Au Congo Belge il y coexistait deux types de découpage territorial complémentaires :
- Le découpage territorial lié à l’administration coloniale qui avait été plutôt conçue une organisation territoriale pour remplir des taches d’encadrement des actions « économistes » de la mise en valeur du Congo sous forme des districts au nombre de 26, plus ou moins actuelles provinces reconnues par la Constitution du 18 février 2006.
- Le découpage territorial de l’Eglise catholique épousant plus ou moins les réalités endogènes des populations noires pour exercer les compétences de proximité de gestion des populations noires sous forme des circonscriptions ecclésiales, aujourd’hui au nombre 47 diocèses.
Une alliance solide s’était faite entre le Gouvernement colonial et les missions religieuses catholiques. L’église catholique était en fait intimement liée à l’Etat colonial : ‘‘L’activité des missions vise directement et exclusivement à hâter le progrès de la société indigène en donnant aux populations le vrai sens de la vie et en améliorant leur situation morale et matérielle. Aussi, la politique constante de l’Administration coloniale a-t-elle été de soutenir les œuvres de missions et d’en favoriser l’expansion’’[29].
Aujourd’hui, la ville, la commune et le secteur ou la chefferie existent comme des entités territoriales mais sans la moelle pour les tenir en vie active.
Cela a fait dire à Joël Asher Lévy-Cohen que …..‘‘(…) de par son gigantisme géographique, cet État ne peut absolument pas être géré, administré à partir de la capitale Kinshasa par des administrateurs zélés qui méconnaissent souvent les réalités profondément locales et spécifiques du pays. Ces gestionnaires réellement affublés de titres pompeux et bardés de gros parchemins universitaires prétendent réaliser leur exploit avec une ardeur et une ferveur politique, une lucidité et une efficacité administrative, dont on a pu apprécier le résultat en fonction de la place occupée par l’État dans le palmarès mondial et à la lumière des indices de développement affichés par le pays et expérimentés par la population. Ceux-ci n’ont jamais véritablement compris que la majesté du territoire national impliquait, par conséquent, la délégation du pouvoir politique et administratif au profit des entités locales et collectivités autonomes dans le but de booster le développement économique et le progrès social.’’[30]
Dans cette hypothèse de refondation utile et nécessaire à l’État congolais, il serait utile de subdiviser le Congo-Kinshasa en plusieurs entités politiques de dimension modeste pour répondre au souci d’efficacité organisationnelle et de progrès. Sinon, la RDC continuera avec un système politique de non gouvernance des populations et du territoire national !
Jean Munyampenda
[1]Bénézet Bujo et Juvénal Ilunga Muya : Théologie africaine au XXIe siècle. Quelques figures .Vol 1, Editions Paulines, 2004. Commentaires de Juvénal Ilunga Muya sur l’œuvre de Bénézet Bujo P.127.
[2] Ibid. p.127
[3] Ibid. p.127
[4] Ibid. p.129 Notes en bas de page.
[5]Bénézet Bujo et Juvénal Ilunga Muya : Théologie africaine au XXIe siècle. Quelques figures .Vol 1, Editions Paulines, 2004. Commentaires de Juvénal Ilunga Muya sur l’œuvre de Bénézet Bujo P.128
[6] A. Michels et N. Laude : Congo-Belge et Ruanda –Urundi. Edition Universelle S.A Bruxelles, p.72
[7]Bénézet Bujo et Juvénal Ilunga Muya : Théologie africaine au XXIe siècle. Quelques figures .Vol 1, Editions Paulines, 2004. p.136
[8]Voir Adam Hochshild : Les fantômes du roi Léopold. La terreur coloniale dans l’Etat du Congo. 1884-1908, Editions Tallendier, Paris2007
[9]L’histoire coloniale du Congo, étudiée par la Belgique “scolaire”, est naturellement distincte de celle présentée dans ce livre. En Belgique, c’est une histoire ethnocentrique insistant sur le génie conquérant et “libérateur” ou “civilisateur” de la race blanche dans un pays des “roitelets nègres”. Cfr Henry Dorchy, Histoire des Belges, Ed. A. de Boeck Bruxelles 1968 pp. 263-268.
[10] Mwangi Kimenyi, Le problème des larges pays d’Afrique. 15 octobre 2009, Internet consulté le 15 décembre 2009. Le document est ici en annexe. Notre propre traduction.
[11]Pour Léon Duguit, l’État doit être conçu simultanément comme service public et ensemble complexe de services publics, mais avec une limite : qui définit tous ces services publics ? Contrairement à Durkheim, Duguit ne va pas jusqu’à envisager la réflexion collective qui caractérise la production législative de l’État et s’en tient à une forme de pluralisme des services publics et donc des normes. Internet, consultée le 6 mai 2013. www.cairn.info
[12] Pour Hannah Arendt, l’Etat résulterait de l’oubli de la quête d’immortalité et de la sécularisation c’est-à -dire de la disparition l’‘‘espace public’’ au sein duquel les individus entraient en relation8, manifestant à la fois leur unicité et la communauté qui les liait et où ces individus pouvaient vivre en être distinct et unique parmi des égaux. Elle a étudié les fondements des systèmes totalitaires. Internet, consulté le 6 mai 2013. www.wikipedia.org
[13]Pour Nicolas Machiavel : Diplomate et réorganisateur de l’armée de Florance aux débuts du 16ième, il situait la raison d’Etat dans l’amélioration de l’homme et de la société. Pour lui, ‘‘Gouverner, c’est mettre vos sujets hors d’état de vous nuire et même d’y penser’’. C’est – sans doute – dans cette perspective qu’il cherchait à situer l’Etat en tant institution de survie des princes dans le temps mais dans le sens des hommes politiques avant tout soucieux du bien public au sein de la République de Florence alors dominant le monde des arts et de l’économie mais – paradoxalement -sans force politique ! Internet, consulté le 6 mai 2013 www.wikipedia.org et www.horaz.com
[14]Pierre Rosanvallon est un historien de la démocratie- principalement du modèle politique français, C’est un intellectuel français dont les travaux portent surtout sur le rôle de l’Etat et la question de la justice sociale dans les sociétés contemporaines. Internet, consulté le 6 mai 2013. www.wikipedia.org
[15] Richard Musgrave (1910-2007) était un économiste américain d’origine allemande, spécialiste en économie publique. Il est célèbre pour avoir appliqué le raisonnement microéconomique à la compréhension du fonctionnement de l’État. Il transforma durablement la matière des Finances publiques aux États-Unis en publiant en 1959 le résultat de vingt ans d’études : The Theory of Public Finance. Internet, consulté le 6 mai 2013. www.wikipedia.org
[16] Théorie défendue par le Maurice Hauriou, et anciennement par Nicolas Machiavel, Thomas Hobbes et Jean Bodin. Maurice Hauriou cherchait à faire la démonstration d’un droit public hiérarchisé en dessous d’une puissance supérieure et souveraine. Même s’il s’affirmait comme étant positiviste car il souhaitait adopter une démarche scientifique reposant sur les faits, il était aux antipodes de ses ainés qui pensaient le droit comme un pur commentaire de législation. Internet consulté le 6 mai 2013, www.wikipedia.org
[17]Théorie de Hans Kelsen, américain d’origine autrichienne et Raymond Carré de Malberg en France. Internet consulté le 6 mai 2013, www.wikipedia.org
[18]Jürgen Habermas est un allemand né en 1929. C’est un théoricien allemand en philosophie et en sciences sociales. Il a surtout analysé les rapports entre la technique, le pouvoir et la communication. En particulier, Habermas s’intéressa aux différents intérêts de connaissances qui animent la scientifique les différentes activités (l’intérêt de saisie du protocole technique d’un objet donné pour les sciences empiriques et analytiques, l’intérêt de compréhension des relations humaines dans la société de communication en herméneutique et l’intérêt d’émancipation de la contrainte première en sociologie et en psychanalyse). Internet consulté le 6 mai 2013, www.wikipedia.org
[19]Antonio Gramsci (1981-1937) fut est un écrivain marxiste et théoricien politique italien d’origine albanaise. En tant qu’intellectuel, il établit que la bourgeoisie capitaliste domine sur les masses laborieuses non seulement par la force mais aussi par le consentement en créant un ‘‘bloc hégémonique’’ de nature culturelle par laquelle le prolétariat adopte souvent les intérêts de la bourgeoisie. Il est à la base d’un type d’éducation populaire qui permette l’émergence d’intellectuels qui partagent les passions des masses de travailleurs. Les partisans de l’éducation adulte et populaire considèrent à cet égard Gramsci comme une référence. Internet consulté le 6 mai 2013, www.wikipedia.org
[20]Ralph Miliband(1924-1994) fut un philosophe politique marxiste britannique d’origine juive et polonaise. Il eut deux fils comme importants hommes politiques britanniques, David et Ed Miliband qui furent membres du gouvernement de Gordon Brown. Ralph Miliband s’opposa à la guerre au Viêtnam en affirmant que c’était là un catalogue d’horreurs prévisibles et un chapitre d’avance écrite de honte dans l’histoire occidentale.Internet consulté le 6 mai 2013, www.wikipedia.org
[21]Nicos Poulantzas (1936- 1979). Ses travaux renouvellent et approfondissent considérablement ceux de Marx, de Lénine et Gramsci et portent notamment sur le rôle complexe et multiple de l’Etat dans les sociétés occidentales, les caractéristiques de la “nouvelle petite bourgeoisie “, la problématique de la division travail intellectuel et manuel. Opérant une distinction fondamentale entre l’appareil d’Etat et le pouvoir d’Etat, Poulantzas met en lumière les multiples fonctions dudit Etat ainsi que les rapports de force et les contradictions qui s’y manifestent. Internet consulté le 6 mai 2013, www.wikipedia.org
[22]Robert Dahl est né en 1915 et a fait des recherches en science politique aux Etats-Unis d’Amérique en partant d’un postulat selon lequel l’accession à des postes politiques de direction nécessite un certain nombre de qualités en tant que ‘‘ressources’’ : la richesse, la compétence et le prestige. Deux cas de figure s’offrent alors : soit un groupe ou une élite possède ces 3 ressources, dans ce cas nous sommes dans une oligarchie soit plusieurs groupes où élites possèdent chacun une (voire deux) de ces ressources. Nous sommes dans ce cas dans une polyarchie. Le pouvoir politique est alors partagé entre différents groupes dominants qui ne cumulent jamais les 3 ressources. Internet consulté le 6 mai 2013, www.wikipedia.org
[23] Voir note en base de page no 22
[24] Voir note en base de page no 19
[25]Theda Skocpol est une des grandes figures du néo-institutionnalisme historique aujourd’hui dominant aux USA. Elle a produit un cadre d’analyse à l’étude de toutes les révolutions qui attire l’attention sur des variables jusque-là sous-estimées et peut servir de modèle de référence librement modifiable pour l’étude d’autres cas, Elle s’inspire largement de la vision du changement socio-structurel en mettant l’accent sur la division entre la paysannerie et les élites pour expliquer la crise d’un système politique et l’émergence du conflit générateur des révolutions et ce, reconnaître l’Etat comme instrument de domination de classe des elites sur la paysannerie. Internet consulté le 6 mai 2013, www.wikipedia.org et http://politique-et-international.oboulo.com
[26]Pierre Bourdieu désigne par le terme de capital toutes ressources sociales dans la mesure où elles résultent d’une accumulation qui permet aux individus d’obtenir des avantages sociaux. Le capital économique et le capital culturel constituent, pour lui, les deux formes de capitaux les plus importantes dans nos sociétés. La ‘‘magie d’Etat’’ serait un capital culturel si elle générait des avantages sociaux – évidents et durables - pour les populations. Internet consulté le 6 mai 2013, www.wikipedia.org
[27]Louis Michel : Afrique –Europe : l’indispensable alliance. Commission européenne, Bruxelles, 2007. p.67
[28] Louis Michel : Afrique –Europe : l’indispensable alliance. Commission européenne, Bruxelles, 2007. p.67
[29] A. Michels et N. Laude : Op.cit .p.238
[30]Internet : Joël Asher Lévy-Cohen :‘‘Balkanisation’’ ou ‘‘Confédération’’ ? Quelle solution viable pour la République démocratique du Congo ?
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